Comment compter sur nous mêmes, si nous ne mobilisons pas les moyens dont nous disposons? Espérons que l’on fera suivre cette action, qui allégera énormément la balance alimentaire et qui retire du jeu un créneau qui faisait le bonheur des spéculateurs.
L’information portant sur la mise au point d’une farine riche en fibres qui sera utilisée pour la production du pain, dans le cadre d’une première expérience lancée par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, est une bonne nouvelle.
Non pas parce que cette farine extraite du blé tendre contient plus de fibres et servira à fabriquer notre «baguette nationale» et qui aura une meilleure valeur nutritive, mais parce qu’elle a, enfin, mis à contribution nos chercheurs, techniciens et autres personnels intervenants pour démystifier des domaines qui ont besoin d’être explorés pour de multiples raisons.
C’est ainsi que d’après les éléments émanant de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur (Otic), Lotfi Riahi a déclaré, à l’agence TAP, « qu’au-delà de ses apports nutritifs, cette nouvelle variété de farine subventionnée va renforcer l’orientation de la subvention vers les ayants droit, parce que ce type de farine, qui contient du son, ne peut être destiné à autres usages que la fabrication du pain ». Quant au prix, que les deux cents millimes soient officialisés, c’est en fait ce qu’on paye en achetant une baguette. C’est autant de gagné pour la caisse de l’Etat.
D’autres domaines
Cette initiative devrait être suivie par d’autres. Bien des secteurs exigent un effort de réflexion et de prospection pour alléger les charges, augmenter le pourcentage d’intégration et créer des emplois tout en économisant en termes d’importation de ces intrants qui sont en constante augmentation pour des raisons indépendantes de notre volonté. Ce qui fait le jeu de bien des spéculateurs.
L’on pense aux intrants qui entrent dans l’alimentation animale, à la nourriture pour poissons, aux fourrages dont les prix augmentent en fonction de tous ces bouleversements que connaît la planète. Ces fourrages, pourquoi ne pas mobiliser les milliers de recrutés dans le cadre des sociétés de plantation ou de reboisement à les semer sur les milliers d’hectares appartenant aux domaines de l’Etat actuellement en friche ? La première excuse qu’évoquent ceux qui veillent sur la production des viandes, du lait, du poisson dont les prix se sont envolés et qui est sur le point de devenir un produit de luxe, est bien l’augmentation de la nourriture qu’on leur sert. L’aquaculture, qui est en pleine expansion, contribue grâce aux exportations à soulager la balance commerciale. Cette aquaculture que nous considérons comme un secteur clé est en mesure de doubler sa production, d’après tous les intervenants. Elle devrait devenir un secteur stratégique, grâce à l’expérience acquise. Elle est appelée à conforter la production des viandes blanches et accroître les rentrées en devises. Mais à quel prix ?
Si presque tout vient de l’étranger et que nos techniciens et chercheurs sont incapables de trouver de quoi remplacer, sinon alléger, la part des intrants venant de l’extérieur, aucune véritable politique de redressement ou d’amélioration de la production n’est réellement envisageable.
Aux dépens des bourses du consommateur
Comment se fait-il que nous ne possédons pas une réponse, alors que nos jeunes et moins jeunes, expérimentés dans bien des domaines, ont réalisé des prouesses et sont fêtés en tant que lauréats paradant sur bien des podiums à travers le monde ? La seule explication, à notre sens, est liée à l’existence de lobbies qui contrôlent tous ces secteurs et qui s’ingénient à barrer la route à tous ceux qui essaient de leur arracher un domaine où ils font la loi et se considèrent intouchables.
L’initiative prise pour endiguer les manipulations, qui ont fait de bien des pâtissiers et des « boulangers spécialisés », les nouveaux riches du pays, aux dépens de la bourse du consommateur qui se trouve dans l’obligation de courber l’échine face à de multiples dépassements, est une preuve que c’est possible. Qu’il est possible d’agir et de forcer ces verrous qui, par des cahiers des charges accablants, des décrets dépassés et iniques, découragent les plus courageux.
Il est donc temps de se pencher sur ces problèmes qui nous semblent créés pour les besoins de la cause. Notre pays nous semble assez riche en ce genre de matières premières qui pourraient remplacer ces intrants qui nous reviennent cher et qui tiennent en laisse bien des secteurs.
Début de la sagesse ?
C’est le cas de la transformation des résidus du phosphate pour lesquels on a trouvé des solutions. L’utilisation du «phosphogypse» que l’on a toujours considéré comme une matière polluante est une preuve qu’il est possible de découvrir des solutions et que nous ne manquons pas de moyens et de cadres qualifiés pour ce genre de recherches et de travaux. Les participants à une journée scientifique organisée, récemment, à Gafsa, se sont penchés sur «le comportement mécanique des briques de phosphogypse non cuites utilisées comme matériau de construction». Ils ont demandé aux autorités concernées de revoir le cadre juridique régissant cette substance, considérée comme substance dangereuse pour la reclasser comme substance productive. Dans bien d’autres domaines et à moins que l’on ait, volontairement et pour des raisons inavouables, bloqué des résultats de recherches, il y a assurément des possibilités de valoriser les déchets ou d’en tirer des éléments qui pourraient convenir pour remplacer des intrants importés pour le fonctionnement de bien des secteurs. A défaut, et si nous sommes incapables de trouver la solution, achetons le brevet ou collaborons avec des parties en mesure de résoudre ce genre de difficultés, mais arrêtons de détourner les yeux et d’inventer des excuses qui ne mènent nulle part. Nos principaux concurrents agissent, offrent des prix conséquents pour encourager les chercheurs et les laboratoires et mettent le prix pour réduire leur dépendance et innover. C’est la raison pour laquelle nous considérons que cette entame est le début de la sagesse. D’ailleurs, comment compter sur nous- mêmes si nous ne mobilisons pas les moyens dont nous disposons? Espérons que l’on fera suivre cette action, qui allégera énormément la balance alimentaire et qui retire du jeu un créneau qui faisait le bonheur des spéculateurs. En attendant, et tel que nous l’avions suggéré, il faudrait se hâter de procéder à l’adoption d’une différenciation des emballages du sucre, du thé, du café et des pâtes et dérivés, avec couleurs d’emballages spécifiques et des codes barres distincts pour les professionnels et pour le reste des consommateurs. D’autres économies sont possibles.